Tout ce qu'il faut savoir pour intégrer votre entreprise dans l'économie circulaire
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » proclamait André Lavoisier* au XVIIIe siècle. Trois siècles plus tard, cette maxime peut s’appliquer à un nouveau modèle économique, en passe de bouleverser de nombreux secteurs en France et en Europe : l’économie circulaire. Panorama à 360° d’un système fondé sur le recyclage des ressources et la sobriété.
Les calottes sont cuites
À l’image des Shadoks qui pompaient inexorablement l’économie des pays dits « développés » a longtemps fonctionné sur un schéma linéaire : extraire, fabriquer, consommer et jeter. Lors de son avènement pendant la révolution industrielle, ce modèle de développement faisait sens : les ressources étaient pensées illimitées, ou du moins, on ne se souciait pas réellement de les voir disparaître un jour. Ce modèle économique a accéléré le progrès, ce qui est positif, et a permis à des milliards de personnes d’acheter toujours plus pour toujours moins cher. La société que l’on connaissait alors s’est rapidement transformée en une société de consommation où l’on multiplie les achats et où la durabilité des produits n’est plus un atout essentiel. Qu’il s’agisse de l’électroménager, des vêtements ou encore du mobilier, tout se remplace désormais au gré des modes et des innovations. Les objets remplacés, qu’ils soient encore fonctionnels ou non, sont jetés sans.
À noter que ce n’est pas seulement une volonté des consommateurs : entre obsolescence programmée, pression publicitaire et budget limité, il devient difficile de s’équiper sur du long terme.
C’était sans compter l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables et la production de déchets et pollutions problématiques pour notre planète. La surconsommation et le manque de réflexion quant aux méthodes de production et de traitement des déchets ont conduit la planète à son point de rupture. Prenant le contre-pied de ce modèle obsolète, l’économie circulaire prône de repenser l’avenir à l’aune du recyclage : les produits d’aujourd’hui deviennent les ressources de demain, limitant au passage la consommation et le gaspillage des ressources. Devenue une véritable ambition collective**, l’économie circulaire recouvre une filière majeure qui concerne 800 000 emplois en France.
L’économie circulaire, un nouveau modèle économique !
L’économie circulaire s’inspire directement des écosystèmes naturels. Il s’agit ici de repenser la manière de concevoir, de consommer et de gérer les déchets. Ces derniers ont d’ailleurs vocation à être réduits au strict minimum, tout est mis en place pour que cette étape ultime soit retardée autant que possible. Dans le cadre de l’économie circulaire, on repense totalement le cycle de vie des objets, de l’extraction des matières premières jusqu’à leur fin de vie. Ce modèle s’articule ainsi autour de plusieurs grands principes.
1 - L’écoconception
Cette méthode consiste à prendre en compte les enjeux environnementaux dès les premières phases de la conception d’un produit (ou d’un service), puis tout au long de son cycle de vie. À chaque étape, on cherche à avoir le moins d’impact possible sur l’environnement. Il s’agira par exemple de :
- Optimiser la consommation d’énergie nécessaire pour fabriquer le produit ;
- Opter pour des matières premières dont l’extraction et l’utilisation ont un impact moindre sur la planète. Cela implique tout autant le choix de ces ressources que la manière dont on les obtient et les traite ;
- Rejeter l’obsolescence programmée ;
- Faciliter le recyclage du produit en fin de vie…
Pour illustrer ce point, on peut prendre l’exemple de l’emballage. Après l’utilisation massive du plastique, les industriels sont désormais encouragés à se tourner vers des matériaux plus écologiques (biodégradables ou recyclables), comme le carton, et issus de filières qui extraient les ressources naturelles de manière responsable.
2 - L’écologie industrielle
On parle de symbiose industrielle. Il s’agit d’un mode d’organisation entre les entreprises avec pour objectif d’optimiser l’usage des ressources naturelles. C’est un véritable travail en réseau qui profite à chaque acteur de la chaîne : ce que l’une jette pourra être utilisé par une autre, permettant ainsi la réduction et la valorisation des déchets. Les déchets verts en sont un bon exemple : ils pourront être utilisés pour produire du fertilisant agricole ou du biogaz.
3 - Le réemploi
Lorsqu’un produit ne répond plus aux besoins des consommateurs, parce qu’il ne leur convient plus ou ne leur sert plus, on va chercher à le réinsérer dans le circuit économique. Il s’agit généralement des produits que l’on trouve sur le marché de l’occasion. Cette méthode est également utilisée pour certains emballages : ils sont collectés, nettoyés, remis en forme, puis réinjectés dans le cycle de production. Le réemploi s’inscrit ainsi pleinement dans la stratégie appelée « des trois R » :
- Réduction des produits qui arrivent en fin de vie ;
- Réutilisation des produits ou de leurs composants ;
- Recyclage des matières premières.
4 - La réparation
Il est devenu courant de jeter des produits qui ne fonctionnent plus pleinement. Pourtant, dans de très nombreux cas, il est tout à fait possible de les réparer.
5 - La réutilisation
Lorsqu’un produit n’est pas réparable, cela ne signifie pas qu’il ne présente plus aucun intérêt. Certains composants peuvent être extraits, triés, puis revendus. Cette solution est liée directement à la précédente : lorsque des pièces ou composants ne sont plus fabriqués par les entreprises, la seule solution pour les remplacer et ainsi réparer l’objet est d’aller les chercher sur d’anciens produits similaires.
6 - Le recyclage
Le recyclage est désormais bien connu des consommateurs et des industriels, même s’il existe encore une très forte marge de progression. Le tri sélectif des déchets permet de réutiliser leurs matières premières ou d’en créer de nouvelles pour produire de nouveaux biens.
7 - L’économie de fonctionnalité
Ce modèle de production, de distribution et de consommation vise à valoriser l’usage d’un produit plutôt que son achat. Cela se concrétise par :
- La location : louer plutôt que d’acheter (une voiture, des éléments de décoration, de l’électroménager…).
- La mutualisation de l’utilisation : plusieurs personnes achètent en commun un bien qu’elles se partageront en fonction de leurs besoins (une voiture, un bateau, du matériel de bricolage…).
L’économie circulaire : quels bénéfices pour les marques ?
Repenser ses processus, changer de fournisseurs, réaliser des investissements… Tout cela peut sembler très contraignant pour les entreprises ou trop complexe à mettre en place. Pourtant, les avantages de l’écoconception sont nombreux.
Garder la maîtrise
La raréfaction des matières premières entraîne des hausses de prix importantes, sans compter les coûts occasionnés par la gestion des déchets. L’économie circulaire vous permet de réaliser des économies sur ces deux postes de dépenses. Un autre atout intéressant est le développement de nouveaux marchés : s’insérer dans l’économie circulaire représente des opportunités avantageuses, la possibilité de collaborer sur le long terme avec des acteurs innovants et des institutions.
C’est aussi un moyen efficace pour se démarquer des concurrents et prendre de l’avance sur eux. Tandis que les ressources s’épuisent drastiquement, il devient absolument primordial de repenser son fonctionnement : en investissant dès à présent dans l’économie circulaire, vous prenez une longueur d’avance sur vos concurrents qui restent attachés à leurs méthodes traditionnelles. Vous anticipez ces changements et gardez la maîtrise de vos investissements, en planifiant vos dépenses et la mise en place des nouveaux processus. De leur côté, vos concurrents se retrouveront tôt ou tard au pied du mur et devront réaliser des investissements massifs sur une durée très courte pour préserver leur activité.
Améliorer son image de marque
Alors que l’arsenal législatif contre le gaspillage continue de se déployer, DS Smith vient de révéler les résultats de l’enquête menée avec l’Observatoire Société et Consommation sur « le rapport des consommateurs-citoyens à l’économie circulaire en France et dans plusieurs pays européens ». Les Français ont bien sauté le pas de la consommation « responsable », aux antipodes de l’hyperconsommation. Généralisation du tri, décollage des achats de produits « en vrac », préoccupation vis-à-vis des emballages recyclés ou encore achats d’occasion témoignent d’un engagement croissant – mais pas total – des consommateurs en faveur de l’économie circulaire.
Une entreprise qui opte pour l’économie circulaire et le développement durable améliore aussitôt sa réputation : c’est un véritable atout marketing à mettre en avant. C’est ce qu’attendent désormais les consommateurs. Leur mode de consommation a changé, vous répondez ainsi à leurs préoccupations environnementales.
Anticiper des changements inéluctables
Répondre à la fois aux préoccupations environnementales des consommateurs et à leur désir de consommer s’impose aux entreprises et aux marques, elles-mêmes désireuses d’adopter une démarche d’éco-responsabilité. Innover, valoriser ses déchets, réemployer, recycler, voire sur recyclé (« upcycling »***) et déconditionner sont autant de stratégies à déployer. Auchan, Carrefour, Casino, Coca Cola Europe, Danone, Système U, Franprix, Monoprix, Unilever, L'Oréal et Nestlé France (pour ne citer que ces marques) se sont d’ores et déjà engagés à atteindre 100 % d’emballages recyclables, compostables ou biodégradables d’ici 2025. Une manière de devancer le législateur, bien décidé à contraindre financièrement les mauvais élèves du recyclage.
* Il est considéré comme le père de la chimie moderne.
** C’est dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 que la France, pour la 1re fois, fixe ses objectifs pour une transition vers l’économie circulaire.
*** L'idée est de récupérer des matériaux ou des produits dont on ne se sert plus pour créer des objets ou produits de qualité supérieure.